Essai 1 : L’arrivée de la télévision a eu un
impact majeur dans le monde de la politique et a bouleversé la façon dont les
politiciens communiquent leurs messages.
C'est en 1900, lors de l’Exposition universelle à Paris, que le mot télévision a été utilisé pour la première fois. Un quart de siècle plus tard, soit en 1926, l’Écossais John Baird présente son procédé de réception d’images sur tube cathodique, devant la Royal Institution de Londres. Il baptisera son invention «téléviseur». En 1931, l’ingénieur français René Barthélémy diffuse une première émission expérimentale. Mais il faut attendre la moitié du 20
ième siècle pour voir les premières émissions destinées à un public. En France, en 1949 un premier journal télévisé est diffusé de façon hebdomadaire. (Internaute Magazine) C’est cependant au début des années 1960 que la télévision connaît un «départ fulgurant», comme l’explique le professeur en communication publique, Jean de Bonville. En 1961, 88% des foyers québécois possèdent une télévision. C’est aussi à cette même période que l’on voit l’apparition des premiers débats politiques télévisés, marquant le début d’une longue tradition et d'une relation très étroite, entre le politique et la télévision.
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Jonh Baird, en 1926 devant son invention le téléviseur |
Quel est le lien entre la télévision et la communication publique?
C’est dans la deuxième moitié du 20ième siècle que les hommes politiques ont commencé à utiliser la télévision comme l’une des principales technologies de l’information pour transmettre les messages politiques au public. De nos jours, les stratégies utilisées par tout l’appareil politique, tant par le politicien lui-même que par toute son équipe chargée des relations publiques, sont très nombreuses. On n’a qu’à penser aux débats télévisés, aux interviews, aux périodes de temps d’antenne réservées lors des campagnes électorales, aux émissions d’information télévisées qui couvrent bon nombre d’événements politiques, aux émissions spécialisées comme Les coulisses du pouvoir à Radio-Canda, etc. «La télévision établit également une relation nouvelle, de personnes à personne, entre les locuteurs politiques et le téléspectateur», explique le Dr en Sciences du Langage, Gwenole Fortin. Selon lui, le simple fait de passer à la télévision donne de la valeur au politicien. (Fortin p.2) Même aujourd’hui, la télévision est considérée comme le média par excellence à utiliser en politique, étant donné qu’il est un média de masse. Selon le journaliste et blogueur Erwann Gaucher, la télévision a plus d’impact qu’un tweet. Un sondage commandé par Apco worldwide et la Revue parlementaire, 65% des gens sondés disent s’informer en premier à la télévision, contre 52% sur Internet. (Cécile Marche. P1) Il n’est donc pas étonnant que les spécialistes de la communication, qui œuvrent dans le domaine politique, tentent par tous les moyens d’exercer un contrôle sur l’Agenda setting des salles de nouvelles. Le professeur en sciences de l’information à l’Université de Paris, Jean Mouchon est clair, le studio de télévision est consacré comme la principale arène de confrontations des politiciens, mais aussi l’endroit où ces derniers peuvent communiquer le plus d’éléments d'informations significatifs.
La télévision et l’arène politique : des exemples réels
Un des moments marquants de l’utilisation de la télévision pour la communication politique est sans aucun doute le débat télévisé opposant le vice-président, Richard Nixon et le sénateur du Massachusetts, John F. Kennedy, lors des présidentielles américaines de 1960. Le 26 septembre, 70 millions d’électeurs ont regardé, en direct, ce premier débat télévisé. Il y a aura au total quatre grands débats télévisés entre les deux candidats. La différence entre les deux orateurs était flagrante. D’un côté, Nixon, qui revenait d’un séjour à l’hôpital, était frêle et pâle. De l’autre côté, Kennedy, était bronzé, reposé, confiant. Les électeurs qui écoutèrent le débat à la radio pensèrent que Nixon l’avait emporté. Mais les 70 millions de téléspectateurs, eux, étaient convaincus que Kennedy avait dominé le débat. Ces électeurs, étaient davantage concentrés sur ce qu’ils voyaient que sur ce qu’ils entendaient. Au moment du vote, le Museum of Broadcast Communications rapporte que plus de la moitié des électeurs affirmaient que le débat avait influencé leur choix à l’élection. Cette première expérience du débat politique diffusé à la télévision marqua le début d’une longue tradition, qui se poursuit d’ailleurs aujourd’hui, un peu partout sur le globe.
ABC News: première partie du premier débat présidentiel américain opposant Richard Nixon et John F. Kennedy. 26 septembre 1960
Au Québec, comme le rapport Jean de Bonville, un des premiers politiciens à s’être tourné vers la télévision pour joindre le public et faire passer son message, est Réal Caouette, chef du Crédit social du Québec. Dans l’ouvrage Votez pour moi, Denis Monière va encore plus loin. Selon lui, le Ralliement des créditistes a été créé grâce à l’utilisation habile et propagandiste de la nouvelle technologie. En 1958, Réal Caouette acheta du temps d’antenne à la chaîne CKRN-TV, en Abitibi-Témiscamingue. Il s’offrit six émissions de quinze minutes chacune, pour un total de 12 mille dollars. Les apparitions du chef coloré, aux discours enflammés, au petit écran ont permis de recruter d’autres partisans. Aux élections fédérales de 1962, le parti créditiste dépensa 70 mille dollars en publicité, télédiffusée en Abitibi-Témiscamingue, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, à Québec, à Sherbrooke et dans le Bas-Saint-Laurent. Résultats : 26 députés ont été élus lors de cette première participation électorale du parti de Réal Caouette. L’homme politique confiera : «Aucun mouvement ou tiers parti n’avait réussi à pénétrer le mur infranchissable des routes et bleus. Or en 1962, grâce à l’utilisation de la télévision qui nous a permis d’aller rejoindre les gens chez eux et de leur dire ce qui se passe, nous avons remporté 26 sièges et nous sommes arrivés bon deuxième dans une vingtaine d’autres comtés.» (Monière. P. 55)
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Réal Caouette, 1917-1976, chef du mouvement créditiste pendant près de 20 ans. |
De son côté, c’est depuis 1968 que le Parti fédéral du Canada a changé ses stratégies de communication publique en confiant ses campagnes publicitaires à deux agences de publicité, bien sûr, pour composer avec la nouvelle réalité politique imposée par la télévision. On voit ici que l’influence de la télévision a non seulement modifié la façon de faire de la politique, mais a aussi contribué à créer d’autres emplois en communication publique : des publicitaires politiques. C’est le cas de Jacques Bouchard qui a fondé l’agence BCP, et qui se charge de la campagne publicitaire des libéraux depuis la fin des années 1960. Le premier ministre de l’époque Lester B.Pearson demanda d’abord à M. Bouchard d’élaborer une publicité pour promouvoir le ministère des Postes. En 1968 Jacques Bouchard réussit à convaincre les stratèges politiques de créer une deuxième agence, La Machine rouge, responsable uniquement de la publicité pour la campagne électorale. Le communicateur élaborait d’abord une stratégie de communication, la présentait ensuite aux candidats, puis testait ses messages auprès de
focus group. On voit ici que la communication publique, dans le monde de la politique, s’est spécialisée et développée dès la moitié du 20
ème siècle.
Aujourd’hui encore, la télévision demeure le vecteur de messages par excellence pour les politiciens. Et les communicateurs, impliqués dans l’arène politique ne cessent de créer de nouvelles façons pour influencer où diffuser le débat politique. Par exemple, à l’intérieur même des salles de nouvelles on tente d’augmenter les cotes d’écoute en créant de nouveaux concepts pour utiliser le «spectacle politique». Il y a toujours le traditionnel Débat des chefs présenté à la Société Radio Canada, où les chefs des grands partis s’affrontent dans une seule et unique joute télévisée animée et dirigée par le chef d’antenne. Mais cette année, lors des dernières élections provinciales, une autre formule a été pensée par l’équipe des nouvelles de Québecor. Les Face à Face Québec , soit trois grands débats qui ont été présentés simultanément sur les ondes de TVA et de LCN, les 20, 21 et 22 août. Cette nouvelle forme oppose en duel chacun des chefs des partis dont Pauline Marois du Parti québécois, Jean Charest du Parti libéral et François Legault de la Coalition avenir Québec. Québécor estime que la première joute, entre Pauline Marois et Jean Charest, a attiré 1 448 000 téléspectateurs. Le débat classique de Radio Canada en a quant à lui attiré 1 623 000.
Extrait du premier Face à face Québec opposant la chef du Parti Québécois, Pauline Marois, et Jean Charest, ex-chef du Parti Libéral du Québec. 20 août 2012
Point de vue : qualités et défauts de cette
technologie
Tant par l’importance que porte les politiciens et les
stratèges politiques à l’utilisation du petit écran, pour faire passer des
messages politiques, que par les analyses menées sur l’impact de la télévision
sur les téléspectateurs/électeurs, ou encore par les différentes formes de
présentations télévisuelles misent en place par les chaînes d’information
elles-mêmes, on se rend compte que la télévision et la politique entretiennent
une relation étroite depuis la moitié du vingtième siècle et complètement
modifié la façon dont le politique pense sa communication publique. Ceci étant
dit, d’autres technologies des médias sont aussi utilisées par les stratèges politique, on n’a
qu’à penser à la presse papier qui permet souvent d’élaborer plus longuement,
par exemple sur le programme des partis, ou encore la radio qui continue de
jouer un rôle de diffusion important dans la transmission des messages politiques destinés au public. Aussi, de
plus en plus les politiciens se tournent vers d’autres nouvelles technologies
des médias, dont Internet et les Réseaux sociaux, qui offrent une vitrine,
peut-être un peu plus marginale, pour l’instant. Je reviens ici sur le Débat
des chefs ou encore les Face à Face Québec où le chef d’Option nationale, un
nouveau parti créé par Jean-Martin Aussant, ex-péquiste et député de
Nicolet-Bécancour. Le politicien n’a été invité à aucun de ses débats. Il a y a
tout de même participé par le biais de sa page Twitter et a réussi a attiré
des milliers d’électeurs/internautes.
Pour en revenir à la télévision, comme l’explique la
journaliste Cécile Marche, le sentiment de proximité que crée la télévision,
entre les électeurs et les politiciens, est certainement un des points forts de ce vecteur de messages. La télévision est également
le média de masse par excellence parce qu’elle touche un large public, comme
elle est utilisée par les politiques depuis 1950, elle est de mieux en mieux
maîtrisée et offre une multitude stratégies pour joindre le public comme les
publicités politiques, les entrevues, les débats, etc. Selon René Wallstein,
docteur ingénieur et consultant en télécommunications, il y a de nos jours plus
d’un milliard de téléviseurs en service dans le monde. «Dans tous les pays, la
télévision a acquis un poids sociétal tel qu’elle est devenue le terrain d’une
lutte de pouvoir pour les organisations politiques et industrielles».
Cependant, dans les pays où il y a des régimes dictatoriaux, l’accès à la
télévision est contrôlé, ainsi que le contenu qui y est diffusé, privilégiant
ainsi certaines formations politiques au détriment des autres et pouvant bien
sûr influencer l’opinion publique. La télévision est aussi considérée,
notamment par Marshall McLuhan, comme un médium froid, dans le sens où l’image
et le son contiennent peu d’information, donc qui nécessite peu de réflexion.
Conclusion : éviter la propagande et le contrôle
de l’État sur le contenu télévisuel
La télévision est certes un médium de masse très
puissant et certaines dérives sont possibles. D’ailleurs, dans certains cas,
l’information politique diffusée à la télévision a carrément versé dans la
propagande. Il est donc extrêmement important que les télédiffuseurs ainsi que les
artisans de l’information télévisuelle, conservent un regard objectif et
protègent leur liberté de presse. Les réseaux, du moins ceux qui se disent
d’information, doivent servir le public plutôt que le politique. On n’a qu’à
penser au cas de Sylvio Berlusconi, ex-chef politique de l’Italie qui
détenait 90% de la sphère audiovisuelle. La journaliste de Suite 101, Doris
Séjourné, affirme que sous Berlusconie, l’Italie avait dégringolée au 77
ème
rang de la liberté de la presse au classement mondial. Par ailleurs, à l’ère de
la convergence, où les réseaux de télévision utilisent de plus en plus la
plate-forme web, il faut aussi se pencher sur la liberté de la presse télé
version web, parce que maintenant, presque tout ce qui se passe à la télévision
se retrouve sur Internet. Lorsque qu’il est question de censure imposée par un
gouvernement, on a tendance à montrer du doigt la Chine. Or, les pays
occidentaux ne sont pas à l’abri du désir de l’état de contrôler les nouvelles
technologies des médias. Le journaliste du Nouvel observateur, Dryef Zineb,
décrit deux exemples flagrants du désir de l’état de contrôler le contenu
télévisuel. En 2010, le gouvernement italien voulait adopter le code Romani,
qui visait à imposer une licence pour diffuser des vidéos sur internet. Un
projet de loi qui prévoyait des amendes allant jusqu’à 150 000 euros pour les
réfractaires. En 2008, la France avait aussi suggéré de soumettre les sites
internet avec du contenu audiovisuel au contrôle de l’État. Après la
télévision, les stratèges politiques doivent maintenant apprendre à composer
avec Internet, qui vient à son tour, bouleverser la transmission de messages,
ou plutôt la communication politique. Déjà, on voit apparaître de nouvelles
stratégies communicationnelles. D’ailleurs, de plus en plus de politiciens sont
branchés. Ils
twittent,
bloguent et s’adressent à leurs
électeurs par le biais de facebook.
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