Essai 2 : Blogue et journalisme : une relation amour-haine!
Objet : Contrepied de http ://mcdion.wordpress.com/2012/10/14/bloguer-a-propos-des-blogues/
1) Introduction : Les blogues au service des entreprises et des organisations
Dans l’essai Bloguer à propos des blogues de l’étudiante Marie-Claude Dion, on fait l’éloge des blogues comme nouvelle méthode de communication publique utilisée par les entreprises ou les organisations. Les blogues sont une façon innovante, efficace et même nécessaire pour bien faire passer des messages ou recruter de nouveaux clients. Bloguer permet dans un premier temps d’échanger directement avec les consommateurs qui peuvent commenter un produit, une approche ou encore un message. Peu importe que ce commentaire soit positif ou négatif, il permet à l’organisation de s’améliorer ou encore d’en débattre sur la toile. Les blogues favorisent aussi le développement d’une relation de proximité et de transparence avec le public. De plus, la blogosphère qui est en constante évolution, permet de s’informer sur des sujets de niche, elle est en quelque sorte une mine d’or d’informations sur une multitude de sujets, pourvu que l’on puisse en valider l’exactitude.
2. Les blogues…avenir ou déclin du journalisme?
Dans son essai, Marie-Claude Dion s’intéresse de façon très succincte aux rôles des blogues dans la diffusion d’informations journalistiques. Elle avance que les «blogues modifient notre relation à l’information ». De mon côté, c’est vraiment d’un point de vue journalistique que j’évaluerai les blogues. Je ne crois pas que les blogueurs remplacent ou remplaceront les journalistes dits traditionnels. Je crois plutôt que les blogues sont un nouvel outil de diffusion de l’information, notamment pour les journalistes qui eux aussi doivent se mettre à la page des nouvelles technologies d’information. D’ailleurs, de plus en plus de reporters professionnels tiennent un blogue, twitent ou alimentent un site Facebook, en faisant preuve de rigueur, en étant objectifs et en ayant le souci de valider les informations qu’ils publient sur ces nouvelles plateformes du Web 2.0. Un blogueur est-il un journaliste? Pas nécessairement! Un journaliste professionnel peut-il bloguer? Oui!
Le blogue, selon moi, peut devenir l’extension du média traditionnel. Et comme pour les organismes ou les entreprises, les blogues sont une façon pour les journalistes d’échanger directement avec le public, de sonder les intérêts des gens, d’échanger sur des sujets d’actualité, un peu de la même manière que le fait le vox populi ou encore la tribune téléphonique. Mais attention, il faut tout de même utiliser ou consulter les blogues en faisant preuve de discernement, ce qui est sans aucun doute, un immense défi dans le monde de la blogosphère qui diffuse un flux d’information en continu.
3. Argumentation : répondre aux exigences journalistiques tout en se mettant à l’ère du 2.03.1 Explosion des plateformes et question d’éthique
Le temps où les médias traditionnels, journaux, télé et radio, étaient les seules sources d’information est bel et bien révolu! Dans le rapport L’information au Québec - un intérêt public, réalisé par Dominique Payette en 2010, on apprend que 815 000 Québécois se qualifient de Netnewser, c'est-à-dire qu’ils utilisent internet pour s’informer et que 73% des adultes québécois sont branchés. La professeure et journaliste cite une étude réalisée par l’Associated Press en 2008 qui expose que les jeunes adultes de 18-34 ans ont modifié leur façon de s’informer. Ils consultent une multitude de plateformes en ligne et s’informent par la voix de plusieurs sources. Les réseaux sociaux, les vidéos sur le net, les moteurs de recherche ou encore les blogues sont donc fréquemment visités par les jeunes internautes pour s’informer. Dans un tel contexte, les entreprises de presse doivent elles aussi s’adapter aux changements technologiques et développer de nouvelles plateformes qui intéresseront les jeunes internautes, qui ont soif d’information. Les blogues peuvent donc devenir un outil fort intéressant tant pour les directions d’entreprises de presse que pour les journalistes professionnels eux-mêmes.
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Dominique Payette, journaliste et professeure qui a réalisé en 2010 le rapport L'information au Québec - un intérêt public |
Certes les médias traditionnels doivent s’adapter à ce nouveau contexte d’explosion des plateformes, tout comme le font déjà plusieurs entreprises et organisation qui tirent déjà des profits de ces nouvelles plateformes 2.0. Mais d’un point de vu journalistique, il faut le faire en gardant la même rigueur, qui est un gage de qualité et de véracité de l’information. D’ailleurs, en 2010, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec a ajouté une section Réseaux sociaux dans son code de déontologie, dont la version originale a été adoptée en 1996. On y lit :«les journalistes exercent le même discernement dans l’utilisation des médias sociaux que dans l’ensemble de leur pratique (…) ils ne doivent pas tenir dans les médias sociaux des propos qu’ils ne tiendraient pas en ondes ou dans leur publication.» Ici, c'est clair, peu importe la plateforme, les journalistes professionnels doivent observer les mêmes règles, par exemple, protéger leurs sources, vérifier les faits et les mettre en contexte.
Or, la question de la crédibilité des blogues est loin de faire l’unanimité. Par exemple, le célèbre blogueur et inventeur du concept de la longue queue, Chris Anderson, écrit sur son blogue qu’il préfère l’information diffusée sur les blogues que celles émises par les journalistes traditionnels. Il donne d’ailleurs six raisons pour expliquer sa préférence, dont une en particulier qui a retenu mon attention. Il affirme que les blogueurs sont souvent des praticiens, ce qui leur permet donc de faire des analyses plus précises. Une affirmation qui soulève des questions, étant donné que l’une des principales qualités d’un bon travail journalistique est l’objectivité et le recours à plusieurs sources. Le simple blogueur, peu importe son degré de qualification, n’est pas tenu aux mêmes règles, et peut donc diffuser un contenu tendancieux sans risquer de se faire rappeler à l’ordre, par exemple, par le Conseil de presse du Québec.
Par ailleurs, faut-il rappeler que plusieurs blogueurs se contentent de faire des liens vers d’autres sites web et que de toute façon, ils ne sont pas soumis de créer un contenu original. Contrairement au journaliste qui doit fouiller, trouver, digérer l’information, réaliser des enquêtes, procéder à des entrevues pour justement dénicher puis diffuser des nouvelles. C’est aussi ce qu’argumente Bill Keller, l’ex-éditeur en chef du New York Times. Selon lui, seulement deux choses distinguent les journalistes professionnels des blogueurs. D’abord, les salles de presse ont des reporters formés qui vont sur le terrain pour constater des réalités et des faits. Ensuite, ces journalistes aguerris s’assurent de vérifier les faits, d’avoir plusieurs sources qui confirment une nouvelle, et ce travail de longue haleine doit être rémunéré. C’est donc primordial de donner au public des nouvelles fiables, qui sont à la base d’une analyse journalistique sérieuse et d’une enquête rigoureuse. Toutes ces règles, les blogueurs ne sont pas tenus de les suivre. (King, p. 238)
Un autre défi que soulève l’utilisation
des blogues est le rapport à l’instantanéité. Dans un monde où l’information se
diffuse et se consomme à un rythme effréné, demander aux journalistes
d’entretenir un blogue peut devenir une tâche assez lourde. Le rapport Payette a également mis en
lumière que pour plusieurs journalistes, le fait de devoir tenir un blogue ou
alimenter des réseaux sociaux grugeait de leur temps consacrer à la réflexion
journalistique. D’autres ont confié que de plus en plus de leur collègue
journaliste, trop occupés à twitter et à consulter les blogues pour dénicher
des primeurs délaissaient peu à peu le travail terrain. (Payette, p.51)
4.
Contre-exemple réel de l’utilisation : Un couteau à double tranchant
Je
reviens ici sur les raisons avancées par Christ Anderson sur la véracité des
blogues. Selon lui, lorsqu’un blogueur fait une erreur, il a tendance à la
corriger. Et, comme il n’est pas rattaché à un média traditionnel, donc ne
jouit pas de la crédibilité journalistique, il est prêt à tout pour valider et
prouver ce qu’il publie sur son blogue. C’est donc dire que les billets sur les
blogues seraient plus rigoureux et crédibles que les articles issus d’un
travail journalistique. Or, plusieurs dérapages dans le fabuleux monde de la
blogosphère démontrent le contraire. C’est entre autres le cas d’une histoire
publiée en 1994 par Ana Marie Cox, sur son blogue wonkette.com. La blogueuse avançait que le sénateur John
Kerry, qui était à l’époque candidat à la présidence des États-Unis,
entretenait une relation extra-conjugale. Des allégations qui ont eu des échos
jusqu’à Washington, mais
qui finalement se sont avérées fausses. (King, p.238) Étant donné que la
blogueuse n’était pas soumise aux règles journalistiques, elle est restée de
glace lorsque sa supercherie a été dévoilée. D’où l’importance d’être
extrêmement vigilant lorsque l’on consulte les blogues, que ce soit en tant que
professionnel des médias ou comme consommateur d’information.
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Le magazine Scientific American a aussi une version en ligne, où plusieurs journalistes bloguent sur des sujets très sérieux. |
Certaines
communautés de blogueurs ont aussi réussi à démontrer qu’un travail
journalistique responsable pouvait être réalisé, en plus de se démarquer du
travail des entreprises traditionnelles d’information. C’est le cas de Talking
Points Memo (TPM), un collectif de journalistes-blogueurs qui a été fondé en
2000 par Josh Micah Marshall, qui travaillait à l’époque pour le magazine
politique The American Prospect. En 2008, l’équipe de TPM a remporté le prix George
Polk Award pour un reportage d’actualité judiciaire. Le collectif a tué la
une en rapportant que l’administration Bush avait congédié huit avocats pour
des raisons politiques. À cette même époque, plus de 750 000 visiteurs
consultaient les blogues des journalistes-blogueurs de TPM. (King,
p. 248-249)
5)
Conclusion : un cinquième pouvoir est né?
En
conclusion, les blogues offrent certainement une nouvelle plateforme de
diffusion pour les journalistes et une nouvelle source d’information pour les
internautes. Mais une préoccupation demeure, comment séparer le bon grain de
l’ivraie, c'est-à-dire trier les informations journalistiques vérifiées et
pertinentes des allégations non fondées. Malgré tout, force est de constater
que la blogosphère gagne du terrain. Et, ce n’est pas nécessairement mauvais.
Certains auteurs avancent même que les blogueurs sont en quelques sortes
devenus le 5ième pouvoir. C'est-à-dire, qu’ils surveillent les
traditionnels chiens de garde, les journalistes, qui sont eux considérés comme
étant le 4ième pouvoir. C’est
d’ailleurs sur ce phénomène que s’est penché le professeur Stephen D. Cooper de
l’université Marshall, dans son ouvrage Watching the Watchdog. Selon lui, la
vérification des faits n’est plus seulement l’affaire des journalistes. (Cooper,
p.23) Il rapporte dans son livre un exemple très concret de cette surveillance
faite par les blogueurs. En 2004, l’Associated Press a dû se rétracter et
corriger un article qui faisait état d’un discours du président George W. Bush
dans lequel il informait une foule républicaine que l’ex-président Bill Clinton
était hospitalisé. Le journaliste avait
alors écrit que le public avait hué au moment de l’annonce et que George-W.
Bush n’avait rien fait pour arrêter cette manifestation anti-Clinton. En
réalité, les gens avaient poussé un « ooh » de surprise. Cette
désinformation journalistique a été dénoncée par le blogueur de Swimming
through the Spin dans le billet AP Bias Strikes Again 2004.
L’émergence
des blogues change effectivement la donne. Désormais, la validation peut se
faire par des gens en dehors des organisations médiatiques traditionnelles.
Mais qui surveille les blogueurs?
-30-
Bibliographie
Anderson,
Christ. 2005. «Trolling : Six reasons why I prever good blogs to
most traditional journalism», The Long tail - Chris Anderson’s blog. (en ligne) URL:
http://longtail.typepad.com/the_long_tail/2005/06/careerending_po.html.
Consulté le 25 novembre 2012.
D.Cooper,
Stephen. 2006. «Watching the Watchdog. Bloggers as the Fifth Estate». Spokane,
Washington: Marquette Books, pp. 17-24
Fédération
professionnelle des journalistes du Québec. 2010. «Annexe au Guide de
déontologie des journaliste du Québec – Les médias sociaux», Guide de
déontologie des journalistes du Québec. (en ligne) URL :
http://www.fpjq.org/index.php?id=82, Consulté le 27 novembre 2012. pp. 44-52
King,
Elliot, 2010. «Free for All. The Internet’s Transformation of Journalism».
Evanston, Illinois: Northwestern University Press, pp. 232-249
Lapointe. Pascal. 2012. «Congrès
Science Online 2012 : L’hybridation blogeur-journaliste». (en ligne) URL :
http://www.sciencepresse.qc.ca/actualité/2012/01/20/lhybridation-blogueur-journaliste,
consulté le 26 novembre 2012.
Payette,
Dominique. 2010. «L’information au Québec – Un intérêt public», Groupe de
travail sur le journalisme et l’avenir de l’information au Québec. (en
ligne) URL :
http://www.mcc.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/publications/rapport-Payette-2010.pdf,
Consulté le 26 novembre 2012.
Villeneuve,
Nathalie. 2012. «Le journaliste citoyen en pyjama : nouveau visage de
l’autorégulation des médias?» Magazine : Conseil de presse du Québec. (en
ligne)
URL :http://conseildepresse.qc.ca/actualites/chroniques/le-journaliste-citoyen-en-pyjama-nouveau-visage-de-lautoregulation-des-medias/,
consulté le 29 novembre 2012.
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